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Tutoriel #4

 

Temps parfait et prolation parfaite

 

Nous voilà maintenant arrivés à la plus «parfaite» des mensurations : le temps parfait et prolation parfaite. Ici, la brève et la semi-brève se divisent toutes deux en trois parties, de sorte qu'une brève parfaite (= une mesure entière en 9/8) vaut neuf minimes.

 

Vu la double triplicité, l'imperfection et l'altération sont possibles tant au niveau du temps qu'à celui de la prolation : une brève peut être rendue imparfaite par une semi-brève (ou son silence ou un groupe de notes équivalent) et une semi-brève peut être rendue imparfaite par une minime (ou son silence). Pour la même raison, on y trouve que des points de division ou de perfection, et jamais d'addition.

 

Machaut n'a écrit aucun virelai en temps parfait et prolation parfaite. Ce tutoriel s'appuiera donc sur sa ballade Plourez dames (B32) à trois voix. Pour les fins de cette leçon, nous laisserons de côté le tenor et le contratenor.

 

Autre forme fixe, la ballade est un genre poétique qui, du moins à l'origine, n'est pas tout-à-fait distinct du virelai. D'ailleurs, au XIVe siècle, Machaut préfère encore appeler ses virelais «chansons baladées». Quoi qu'il en soit, le texte d'une ballade consiste en trois strophes de sept ou huit vers dont le dernier fait office de refrain. Musicalement, la ballade se présente en deux sections, la première étant toujours répétée (AAB) et dotée de deux terminaisons différentes (ouvert/clos) :

 

Strophe 1                                               Strophe 2                                                etc.

A (ouvert) | A (clos) | B (+ refrain)         A (ouvert) | A (clos) | B (+ refrain)

 

Les trois strophes de Plourez dames sont des huitains sur le schéma de rimes ababccdD (la majuscule indiquant le refrain). La première se présente ainsi :

A

Plourés, dames, plourez vostre servant,

Qui ay toudis mis mon cuer et m'entente, (ouvert)

A

Corps et désir et penser en servant,

L'onneur de vous, que diex gart et augmente. (clos)

B

Vestés vous de noir pour mi,

Car j'ay cuer taint et viaire pâli,

Et si me voy de mort en avanture

Se diex et vous ne me prenez en cure. (refrain)

 

Ex. 1a - Plourez dames, section A (notation originelle)

La première phrase musicale témoigne des traits caractéristiques du temps parfait et prolation parfaite. Avant d'en regarder quelques-uns, il importe de souligner une erreur de la part du copiste : la première note, do semi-brève, ne peut être haussée par un «b carré», attendu que le contratenor chante au même moment un do naturel (cette observation est confirmée par d'autres manucrits contemporains qui n'ont pas le «b carré» à cet endroit). Pour en revenir aux caractéristiques de cette mensuration, la première semi-brève (do) est rendue imparfaite par la minime suivante (), et toutes deux - du fait qu'elles équivalent à une semi-brève parfaite - rendent à leur tour la brève suivante (mi) imparfaite ; ces trois premières notes se chantent donc dans le même temps qu'une brève parfaite! Viennent ensuite deux semi-brèves puis une brève, cette dernière étant aussi rendue imparfaite par le silence de semi-brève qui la suit ; quant aux semi-brèves, la seconde doit être altérée pour former une perfection (= remplir la mesure). Plus loin, le point qui suit la brève do# (sur la syllabe «-ant» de servant) est un point de perfection qui l'empêche d'être rendue imparfaite par la minime (mi) et la semi-brève () suivantes.

 

Les points de perfection n'étant pas toujours indiqués, il est souvent difficile de savoir si une note doit être rendue imparfaite ou non. Dans ces cas, la prise en compte des autres voix de la polyphonie, lorsqu'elles existent, nous est d'un grand secours! 

 

L'ouvert se termine sur la première longue (mi), au milieu de la seconde portée. Lors de la reprise, le fragment de mélodie qui suit le trait de division se substitue simplement à cette longue et constitue la fin alternative du clos menant à la section musicale B. 

 

Ex. 1b - Plourez dames, Section A (notation moderne)

Bien que les points de division et de perfection ne soient pas toujours là où l'on voudrait les voir, les deux niveaux ternaires de cette mensuration rendent leur usage plus fréquent que dans toute autre mensuration. Le début de la section musicale B le montre bien.

 

Ex. 2a - Plourez dames, section B (notation originelle)

Sans le premier point, on pourrait penser que les deux semi-brèves isolées entre les deux brèves forment à elles seules une perfection par l'altération de la seconde. Or, ce point de division clarifie la situation : chacune des deux semi-brèves rend plutot une brève imparfaite. Un autre point (presque entièrement effacé avec le temps, mais dont on voit toujours la marque) apparaît après la quatrième semi-brève (do#) : il s'agit d'un point de perfection qui l'empêche d'être modifiée par la minime suivante.

 

Ex. 2b - Plourez dames, section B (notation moderne)

À vous de terminer la section B!

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